Création et animation de l'Aire Terrestre Educative (ATE) par les élèves de l'école de Hauteluce

Trophées CIMES Durables 2024

C’est le SIVOM des Saisies qui présente le dossier de candidature. La commune de Hauteluce et le SIVOM sont adhérents à l’ANMSM. Composé des communes de Crest-Voland, Villard Sur Doron et de Hauteluce, le syndicat assure la réalisation des aménagements touristiques et urbains au niveau de la station. Le SIVOM a également la compétence pour gérer la Réserve Naturelle Régionale (RNR) tourbière des Saisies Beaufortain-Val d’Arly. Ce site exceptionnel est la plus grande tourbière acide de tout l’arc alpin. La RNR est classée Natura 2000, elle s’étend sur 292 hectares et renferme plus de 100 espèces protégées rares ou menacées (tétras-lyre, triton alpestre, cordulie arctique, andromède, buxbaumie verte…), son origine remonte à plus de 10 000 ans, à la suite de la fin de la dernière ère glaciaire. 
La RNR a aussi vocation à accueillir le public, plus de 70 000 visiteurs (35 000 en été, tout autant en hiver sur le domaine nordique) fréquentent le site par an. Durant l’été, au niveau du parking du Col des Saisies, un espace est spécialement aménagé afin d’exposer au plus grand nombre toute la richesse de ce milieu. En 2022, le budget (fonctionnement et investissement) du SIVOM pour la tourbière s'élève à plus de 78 000 euros TTC. La gestion du site, sa préservation et son animation sont assurées toute l’année par Pascal Philip, garde-animateur assermenté. 

Le projet d’aire terrestre éducative est multipartenarial, il implique le SIVOM des Saisies qui met à disposition Pascal Philip en tant que référent, la commune de Hauteluce qui dispose du foncier et le groupe scolaire de la commune.

L’ambition des élus est de promouvoir la création d’une aire éducative sur une petite portion de territoire. Cette aire est réalisée et animée par les enfants qui sont acteurs dans toutes les phases du projet. Elle est située à l'extérieur du périmètre de la RNR sous la forme d’un essaimage, la mise en place du projet et son suivi bénéficient du soutien de l’Office Français de la Biodiversité (OFB). Il vise à sensibiliser le jeune public à la protection du territoire mais également de découvrir ses acteurs grâce à un projet pédagogique et écocitoyen. 
 

Dans quel contexte cette bonne pratique s'est-elle installée ? Quels étaient les objectifs poursuivis ?

Pour répondre à cette première question, il convient de décrire brièvement le dispositif aires éducatives auquel se rattache l’action entreprise conjointement par le SIVOM des SAISIES, la commune de Hauteluce et le groupe scolaire de Hauteluce. 

Les Aires Terrestres Educatives (ATE) sont réalisées sous l’impulsion de l’Office Français de la Biodiversité (OFB). La démarche s’inspire des aires marines éducatives nées en 2012 aux Marquises, en Polynésie Française, de l’imagination des enfants de l’école primaire de Vaitahu qui ont souhaité protéger la baie située devant leur école. L’aire éducative ne doit pas nécessairement trouver sa place dans un espace déjà protégé. Elle peut se situer à la montagne, à la mer, à la campagne ainsi qu’en ville (parc, friche, forêt, zone humide…). Le seul impératif est d’être à proximité de l’école. L’Office Français de la Biodiversité coordonne le réseau des aires éducatives sur la base des orientations prises par le comité de pilotage. Celui-ci réunit trois ministères (Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Outre-Mer).

Les objectifs de l’aire éducative sont les suivants:
• Former les plus jeunes à l’éco-citoyenneté et au développement durable,
• Reconnecter les élèves à la nature et à leur territoire,
• Favoriser le dialogue entre les élèves et les acteurs de la nature (usagers, acteurs économiques, gestionnaires d’espaces naturels…).

Ce projet éco-citoyen s’inscrit pleinement dans la dynamique de l’enseignement scolaire. Il s’adresse aux classes de CE2, de cycle 3 (CM1, CM2, 6e), 4 (5e, 4e, 3e) et de lycées.
En vue d’atteindre les objectifs, la mise en place d’une aire éducative s’effectuent en 3 étapes:
• Identifier une structure dénommée « Le référent » qui peut accompagner le projet : structure de la sphère de l'éducation à l’environnement, gestionnaire d’espaces naturels, collectivités,….Dans le cas présent il s’agit du SIVOM des Saisies qui est le gestionnaire de la Réserve Naturelle Régionale tourbière des Saisies-Beaufortain-Val d’Arly. 
• Se rapprocher de la commune pour l’informer du projet et la questionner sur des sites d’accueil potentiels de l’aire éducative (le choix final revient aux élèves). Dans le cas présent il s’agit de la commune de Hauteluce. 
• Évaluer le coût du projet avec le référent afin de lancer des demandes de financement. 
L’enseignant, avec le soutien de la structure référente, amène les élèves à construire leur projet d’aire, en suivant les étapes du guide méthodologique et autres outils développés par l’OFB.
Plus de 1 000 écoles et établissements scolaires sont déjà engagés dans la mise en place d’une aire marine ou d’une aire terrestre éducative en métropole et dans les Outre-mers pour la mer ou pour la terre.

Le SIVOM des Saisies est le gestionnaire de la Réserve Naturelle Régionale de la tourbière des Saisies-Beaufortain-Val d’Arly, statut de protection fort dont les trois missions principales sont:
• Protéger : C’est à la fois réaliser des tournées de surveillance pour sensibiliser le public, limiter les infractions et encadrer les activités,
• Connaître : Cela passe par l’inventaire des différentes espèces et milieux présents sur la Réserve, la mise en place d’études de la dynamique du milieu, de suivis scientifiques,
• Faire connaître : La tourbière est un lieu idéal pour aller à la rencontre de la nature et partager ses connaissances et ses émotions : visite guidée ou simple balade, à pied ou en skis de fond, pour un pique-nique ou une marche au clair de lune. 

L’ensemble de ces missions sont effectuées par Pascal Philip, garde-animateur assermenté employé par le Syndicat. Durant l’année scolaire, Il se déplace dans les écoles de la communauté d’agglomération d’Arlysère à la rencontre des élèves afin de les sensibiliser sur l’importance des zones humides et du rôle qu’elles jouent dans l’écosystème. En été, il anime aux Saisies une exposition temporaire. Le SIVOM des Saisies est adhérent à l’association nationale des Réserves Naturelles de France (RNF). C’est à l’occasion de rencontres thématiques au sein de ce réseau que le SIVOM des Saisies a pris connaissance du dispositif aire terrestre porté par l’Office Français de la Biodiversité. Il se trouve que le volet pédagogique et animation déployé par le SIVOM est aligné avec les trois objectifs assignés à l’aire terrestre pédagogique. Il apparaît donc naturel de tirer profit des connaissances et de l’expertise acquises dans la gestion d'un espace protégé pour transplanter les bonnes pratiques. Par extension, le SIVOM transfère des connaissances et des outils scientifiques de gestion de l’environnement auprès du jeune public du territoire, en s’appuyant sur les compétences du garde-animateur. Les objectifs définis sont les suivants:
• Développer l'ecocitoyenneté,
• Reconnecter les élèves avec la nature,
• Préserver le milieux naturel,
• Entretenir 1 culture proche de la nature,
• Faire converger des synergies de territoire.

Notons également que la station des Saisies a obtenu le label Flocon Vert à la fin de l’année 2023. Le cahier des charges 2022-2027 prévoit une évaluation de l’engagement du territoire grâce au critère sensibilisation. La mesure est effectuée par l’indicateur “Événements participatifs” qui comprend notamment l’organisation régulière d'événements sur le territoire, en lien avec les thématiques de la protection de la biodiversité, de la transition vers le développement durable ou de l’inclusion (expositions, conférences-débats, projections de films, ateliers créatifs zérodéchets…). Des chantiers-nature participatifs sont proposés aux habitants et aux visiteurs. 
Au final la réalisation d’une aire éducative résulte du travail de communication mené auprès des élus par le garde-animateur de la RNR et de la volonté des élus du territoire de porter le projet. L’ambition étant de transcrire concrètement sur le terrain une action de pédagogie cohérente avec le contenu du label Flocon Vert.

Le développement du projet en détails

Le développement du projet se déroule selon 6 phases, impliquant des parties prenantes clairement identifiées. Au cours d’une année scolaire, le projet mobilise 10 demi-journées, cela englobe le temps de travail sur site et à l’école. 

Phase 1: Il s’agit de définir le référent chargé d’assister l’enseignant au cours de l’année. Tout naturellement le garde-animateur de la RNR a endossé ce rôle. Il a d’ailleurs accepté cette mission avec beaucoup d’enthousiasme puisque son enfant est scolarisé à l’école d’Hauteluce et qu’il intervient déjà fréquemment dans ce groupe scolaire. Il a réussi à embarquer une enseignante du cycle 3 (CM1-CM2) et à l’ impliquer dans le projet. 

Phase 2: Le référent identifie tous les intervenants à fédérer dans la démarche: élus du SIVOM des Saisies, élus de la Commune de Hauteluce, techniciens, agents de l’ONF, corps enseignant, gestionnaire du domaine skiable et surtout les élèves.

Phase 3: Le référent réalise une première sélection de sites susceptibles d’accueillir l’aire éducative, en veillant à ce qu’elle se ne situe pas à plus d’¼ heure de l’école, 20 minutes maxi. 

Phase 4: L’enseignant et le référent créent le conseil des élèves pour gérer l’aire éducative. A Hauteluce il s’appelle le conseil de la terre. C’est la gouvernance du projet qui comprend le référent, le professeur des écoles et vingt élèves. Comme le projet s’inscrit dans le temps, un élève aujourd’hui en CM1 participera à nouveau lorsqu’il sera en CM2.

Phase 5: Le conseil des élèves s’affirme, s'approprie le projet et le façonne. Il devient acteur du projet. Les élèves évaluent l’intérêt des différents sites proposés, font une sélection et entreprennent les démarches auprès des propriétaires (privés et publics). Ceux-ci ne sont pas toujours d’accord pour accueillir une aire terrestre éducative. Finalement, les élèves avec le soutien de l’élue de Hauteluce en charge des affaires scolaires exposent leur projet lors d’une séance du conseil municipal. Sur proposition de l’agent de la commune chargé de l’urbanisme, une parcelle boisée communale, parcourue par un torrent, située à moins de 20 minutes de marche de l’école répond aux critères. Il est bordé par une piste de ski qui assure la connexion du domaine skiable des Saisies jusqu’au village de Hauteluce.

Phase 6: C’est l'animation et la gestion de l’aire, le projet est lancé. Étant donné que la parcelle est soumise au régime forestier, l’ONF est également impliquée.
Au cours de cette phase, les élèves durant le temps scolaire décident du schéma de protection qu’ils souhaitent mettre en œuvre. Ce schéma reposant sur les actions suivantes:
• Etat des lieux (topographie, description du terrain, faune, flore…),
• Définir les objectifs,
• Réaliser les actions (demandes d’autorisation, devis, gestion des factures…),
• Evaluer les actions.

Les échanges sont nombreux et très riches entre les différentes parties prenantes qui participent à la gestion de l’aire terrestre éducative mise en place à Hauteluce: Elus, garde-animateur, professeurs des écoles, ONF, techniciens, gestionnaire du domaine skiable…Cette liste n’est pas figée, d’autres prestataires sont susceptibles d’intervenir tels que les chasseurs, les guide du patrimoine ou encore les agriculteurs en fonction des orientations fixées par les élèves.

Concernant le financement, à ce jour les aides sont les suivantes:
• Demande de Participation auprès l’OFB ( 2000 euros par an, sur deux ans),
• Participation du CD73 à hauteur de 500 euros, dans le cadre du dispositif éducation à l’environnement,
• Prise en charge du poste du référent/ garde-animateur par la région AURA et le SIVOM.

La réussite du projet repose sur la constitution d’un noyau d’acteurs motivés qui porte véritablement la démarche et qui ont déjà l’habitude de travailler ensemble. Dans le cas présent, les principaux atouts sont les suivants:
• La présence d’un garde-animateur qui apprécie particulièrement le travail avec les enfants et qui anime de manière proactive le dispositif,
• Les bonnes relations entre le corps enseignant et le garde-animateur. Ces relations reposent sur des années de travail en commun,
• L’enthousiasme des élus de Hauteluce pour le projets qui sont motivés pour faciliter le lancement et l’accompagnement du programme,
• L’engagement des élus du SIVOM des Saisies qui sont disposés à étoffer des missions de sensibilisation à l’environnement au-delà de périmètre de la réserve naturelle régionale. 


 

Quelles ont été les difficultés rencontrées ?

Les difficultés recensées à ce jour sont de trois ordres:

Le foncier: La recherche d’un terrain est assez chronophage. En territoire de montagne, il n'est pas évident de dénicher un site propice et sécurisé à proximité de l’école permettant d’accueillir l’aire terrestre pédagogique. Le référent a dû effectuer un long travail de prospection et d’étude sur chaque terrain. Et lorsqu’un site adapté se présente, le propriétaire privé n’est pas forcément enclin à accorder son autorisation. 

Les démarches administratives: Le professeur des écoles est très motivé par la projet. Le référent doit veiller à ce que la démarche n'entraîne pas une inflation de documents administratifs à renseigner.

La tenue dans le temps du projet: Le projet est pluriannuel. Le point de vigilance porte sur les disponibilités du référent pour accompagner les élèves et la motivation du professeur des écoles à y participer. Si pour telle ou telle raison un des membres de ce binôme n’est plus en mesure de remplir sa mission, l’ensemble du projet peut être remis en cause. 
 

et après ?
Et après ?

Quel est votre retour d'expérience ?

A ce jour, le projet a reçu un très bon accueil de la part des élus, du corps enseignant, des parents et surtout des élèves. Chacun est très impliqué dans la démarche qui est en cours de lancement et qui progresse lentement au gré de chaque demi-journée consacrée à l’aire éducative. Il est même prévu de contacter la radio locale RTL2 les Saisies pour consacrer du temps d’antenne afin que les enfants puissent présenter leur projet. L’idée est de réaliser des séquences qui sont autant d’épisodes relatant l’évolution de la gestion de l'aire. Toujours en matière de communication, l’OT des Saisies doit diffuser de l’information sur sa newsletters OT (newsletters), le lancement du projet est également transmis à la CA Arlysère. 
Le projet est trop récent pour mesurer objectivement toutes les retombées, en tout cas elle apporte un élément de preuve de l’engagement du territoire pour l’environnement en répondant au critère sensibilisation, parmi les 20 critères énoncés par le cahier des charges du label Flocon Vert, et concrètement cela contribue à valoriser l’image de la destination auprès des visiteurs. 
Pour le gestionnaire de la Tourbière des Saisies Beaufortain-Val d’Arly et de ses partenaires financiers, cela démontre toute la pertinence des efforts financiers consentis afin d’assurer la protection et l’animation de cette zone protégée. Pour les élus, cela permet de capitaliser sur cette compétence et par voie d’extension, décliner un dispositif à destination des enfants de la commune de Hauteluce. 

Le principal enseignement est que ce projet demande beaucoup d’énergie et s'inscrit dans la durée. Dans un premier temps d'importants efforts sont à déployer afin d'initier le projet, élaborer une architecture qui intègre l’ensemble des parties prenantes, en ayant recours à la persuasion afin de les convaincre. Puis il faut bien dégager une vision commune avec l’école qui a des temporalités différentes et des impératifs à respecter